Le Pennarole, un grand incompris
Quelques recherches sur internet permettent de tomber parfois sur ce qu’il est convenu d’appeler des « perles ». Dans le domaine de l’histoire de la médecine, chirurgie et apothicairerie, elles sont particulièrement nombreuses et nous allons aujourd’hui traiter à ce sujet d’un objet que l’on commence aussi à rencontrer sur les rassemblements à thème médiéval, à savoir le « Pennarole ».
Cet objet se présente sous la forme d’un étui de forme caractéristique muni d’une sangle de portage.
Chirurgien portant un pennarole incisant un bubon de pestiféré (chapelle Saint Sébastien de Lanslevillard)
Contrairement à ce qu’on peut lire sur internet ou entendre raconter de la part de certaines troupes d’animation médiévale, le pennarole n’est pas une simple « boite » (- « c’est joli ça, c’est quoi ? » – « un pennarole. » – « ah et ça sert à quoi ? » – « c’est une boite. » – « pour quoi faire ? » – « C’est une boite… »… c’est réellement du vécu !).
C’est encore moins une « trousse de secours » (ça, c’est sur le net).
Bon mais finalement ça sert à quoi ?
Il n’est guère difficile de trouver une description de cet objet et de ce à quoi il sert dans les sources, même si on n’est pas un grand lecteur de Pline, Vitruve et Dioscoride dans le texte !
Les traductions de traités latins médiévaux sont disponibles et cet objet est décrit, entre autres par Guy de Chauliac (1298-1368) dans plusieurs éditions de sa chirurgie : « la grande chirurgie de Guy de Chauliac maitre en médecine de l’université de Montpellier composée en l’an 1363 » traduction par E. Nicaise, Edition Alcan Paris 1890 page 9 ; « Grande chirurgie de M. Guy de Chauliac, 1579 Ed. A Lyon ; ou encore édition de Cambridge 1598 pour ne citer que ces versions.
Pour faire court, le pennarole est un étui contenant 5 à 6 instruments tranchants ou de première utilité : Lancette, Ciseau, Sonde, Aiguille, Pinces et Rasoir. C’est le minimum vital dont a besoin un praticien pour exécuter des interventions sanglantes en première intention. L’étui de bois permet de transporter ce nécessaire sans risque pour le propriétaire tout en assurant que les tranchants ne seront pas émoussés par un frottement des instruments les uns sur les autres.
Une représentation de pennarole figure notamment dans l’ouvrage de Brunschwig (Das Buch der Cirurgia – 1497) et il est repris par Nicaise (1838-1896).
Etal d’instruments de chirurgie tiré du « das Buch der Cyrurgia des Hieronimus Brunschwig«
Il ressemble aux étuis de vénerie tels que l’on peut en voir au musée de Cluny à Paris. La taille est quelque peu différente, le pennarole du chirurgien étant légèrement plus grand.
On peut en voir un exemplaire au musée du Service de santé des armées à Paris. Celui-ci est recouvert de plaque d’os et les passants et décorations sont en ivoire. Il est aux armes de la maison de Saxe et mesure environ une petite trentaine de cm de long sur 12 cm environ de large.
Pennarole du Musée du Service de santé des armées
Voici une reconstitution réalisé pour Dame Clotilde en 2005 d’après le texte de Chauliac par Christophe Névoso (de l’œil du compas). Il est en bois et possède approximativement des mêmes dimensions que celui du musée du val de grâce.
Reconstitution de pennarole par C. Nevoso
Les sources tu consulteras et du web te méfieras
Les amateurs « éclairés », qui ne connaissent le pennarole que de par quelques photos ou gravures trouvées sur le net, semblent avoir simplement négligé la première exigence en matière de recherche historique : la consultation des sources ! Celle-ci ne se résume pas à faire du copier photo du net – recadrer – coller avec un copyright ou le nom du recadreur comme vu sur certains forums, ni à écouter tel ou tel qui s’intitule expert en la matière mais ne cite aucune source.
Lire les livres des auteurs de l’époque, croiser les sources, visiter les musées… Cela évite aussi les tendances à l’exagération dimensionnelle. Il est arrivé de croiser sur des fêtes médiévales des « pennaroles » énormes (peut être pour la chirurgie vétérinaire spécialisée en matière d’éléphant) qu’en tous cas aucun praticien médiéval n’aurait voulu ni pu glisser à la ceinture. Le pennarole ne semble d’ailleurs pas être la seule pièce d’équipement concernée par ce syndrome de sur dimensionnement… Entre les cautères « à diplodocus » et les scies d’amputation « pour mammouths », il y a de quoi faire.
Attention donc au matériel présenté au public comme « copie » d’instruments d’époque – surtout s’il n’a pas été réalisé d’après photo, ou mieux, d’après un calque d’une pièce originale – et au discours qui va avec. Ne perdons pas de vue que le matériel était fait pour être utilisé ; un peu de recherche à ce sujet peut déjà permettre d’éviter un certain nombre d’aberrations.